mercredi 8 février 2012

Errata

Les gens mourraient autour de lui.
Ils s'écroulaient chacun leur tour, de ce même mouvement grotesque et fascinant.

L'effondrement.

De ces visages qui n'exprimaient jusqu'alors rien, se gravait soudainement l'expression de la surprise et de l'effroi. La compréhension d'un geste qui leur était destiné.
Yeux ronds, et sourires écartelés en grimaces figées. Et la fierté, l'humilité, le courage, la décence. Rien n'avait plus de sens à cet instant. Juste le cri sourd de celui qui est choisi.
Fauché par cet aperçu instantané que c'était vain.
Et lui, immobile, au centre de ce vortex de mort et d'horreur, il fermait les yeux de toutes ses forces, attendant son moment.
Il sentait les corps s'écrouler dans un bruit mât. A deux pas devant, ou le frôlant dans le dos. Parfois à des milliers de kilomètres de l'enfer. Nulle distance ne l'épargnait de son témoignage innommable. L'enfer s'ouvrait sous ses pieds et lui refusait l'entrée.
Dans ce maelström, une énergie fantastique se riait de lui, en dévorant autrui.
Et le jeu de dominos semblait ne jamais vouloir s'arrêter.

"A neverending story" d'une fin finalement affamée.

Mais rien n'aurait pu le préparer à l'indécence qui s'ensuivit. Derrière ses paupières closes, il voyait le champ de cadavres s'étendre à perte de vue.
A perte de vie.

Il en perdait progressivement la raison.
Rien de tout cela n'avait le moindre sens.

Et s'agrippant désespérément à l'espace déserté autour de lui, au vide tangible qui le cernait, à ce silence alors insoutenable, il riait de toute ses forces.
Sur le lit du charnier, il riait à s'en perforer les poumons.
A en faire céder le fil ténu de ses cordes vocales.
Son expression n'était alors pas si différente de celle de ces monticules de corps qui l'invitait à les rejoindre.