vendredi 24 février 2017

C'est de cela dont il s'agit.
L'excitation qui grimpe dans ton ventre, alors que tu marches vers elle. Un fin filet d'adrénaline qui se met à courir le long de tes veines.
Il n'y a ni paix, ni répit à l'appétit de cet animal étrange qui te ronge les nerfs; quand tu vis ces minutes de préparation, ce temps qui ralenti et qui te torture doucement et tranquillement, délicieusement.
Je le ressens en ce moment même, alors que je plonge dans cette sensation pour te la décrire. Mes doigts tremblent sur le clavier, comme s'ils étaient secoués par le moteur de la machine, comme s'ils se refermaient résolument sur le guidon d'acier et de chromes.
Puis vient le silence. Alors même que tu allumes le moteur et tourne la poignée des gaz. Ton cœur qui s'emballait quelques instants auparavant s’évanouit dans ta poitrine en relâchant l'embrayage. Ton dos se tasse sur la selle.
Le calme t'envahit. Une sereine quiétude berçant chacun de tes sens.
Je ne peux pas t'emmener avec moi. Je ne peux pas te montrer.
Il m'est impossible de te faire ressentir le paradoxe qui s'ensuit : Le souffle glacial de la faucheuse qui frôle ta nuque et s'insinue dans tes poumons à chacune de tes calmes respirations.
La caresse réconfortante du soleil sur ta joue, qui agit comme un phare dans l'obscurité de l’existence.
Et dans tes poings, entre tes cuisses, sous ton sexe et dans tes tripes, le fredonnement du moteur ou son hurlement. Sa puissance tranquille qui t'investit et sa fureur immense qui te terrasse.
On dit qu'on ne peut le comprendre sans l'avoir vécu, sans avoir empoigné le monstre soi-même.
Et cela semble tellement idiot, tellement vain.
Et cela ne saurait être plus vrai.
Après quelques milliers de kilomètres, il n'y a pas une fois où, l'enfourchant, je n'ai pas ressenti cet enchaînement de sensations. Fortes, contraires, soudaines et implacables.
Il n'y a rien qui me fait sentir plus en vie, et qui me rapproche plus de la tombe. Chaque tour de roue est un pari, chaque seconde une lutte à mort.
C'est un mouvement singulier et harmonieux de jouissance, dangereuse car elle engourdit tes sens et te fait oublier que la moindre erreur te jettera au fond d'un abime d'où il n'y a aucun retour.
C'est un feu qui t'alimente et te consume. Et tu n'es qu'une braise filant à travers le sifflement du vent, prête à s'éteindre ou à rougir.
C'est de cela dont il s'agit.