A quoi penses-tu ?

A quoi pensé-je ?
Lorsque les yeux plissés, éblouis au soleil de ma fenêtre, je ne pipe mot ?
Quand tu m'abreuves d'insultes, de meurtrissures et martèle mon dos de tes petits poings ?
Que je t'entends rugir, grogner et haleter, comme une bête en traque ?
Que me passe-t-il par la tête alors que tu m'obliges à faire volte-face, à voir ton visage ruisselant, à soutenir tes yeux-loups, que tu me postillonnes dessus, que tu m'empoignes dessous, que tu t'effondres contre, que tu t’écartèles dedans, que tu meurs au présent ?
Quelles sont ces réflexions qui me traversent comme des rames de métro tardives ou en avance, mais jamais à point; les heures de pointe sont toutes à la même minute, et cette minute trop longue, quelle est-elle ? Que je te réponde, que je te dise, que tu saches, que j'ouvre le livre clos, et que tu mettes la main dessus, l'empoigne, le brandisse, que tu te saisisses de mon âme.
Silencieuse.
Ta déception ensuite, car le livre est vierge, la pagination absente n'a d'autre endroit de début que la fin à l'envers.
Et là je pense soudain : "mais bordel, que veux-tu entendre ?"
Tu ne répondras pas.
La requête est identique, mais sa différence est notre frontière jamais franchie.
Le silence est monstrueusement idoine.

Défaits

on se promet de quitter l'échafaud de notre enfance
la balancelle grinçante sous nos déhanchés endiablés
les chaussures aux lacets défaits
qui s'agitent en bras désarticulés
nos appels à l'aide
maladroitement muets
avant de se rompre le cou encore une fois
et les noirs nuages soufflants de rage
tes mèches noires sur ton visage
les yeux écarquillés
tu vois que l'espace d'un instant
les lacets rompus de mes chairs
n'ont pas tenus
leurs promesses